Editorial – 23 ans après les attentats du 11 septembre 2001 qui ont frappé les Etats-Unis d’Amérique, un regard sur l’indemnisation des victimes d’attentats en droit français.

Le 11 septembre 2001, les États-Unis d’Amérique furent frappés par une série d’attentats d’une ampleur sans précédent. Deux avions détournés par des terroristes percutèrent les tours jumelles du World Trade Center à New York, un troisième s’écrasa sur le Pentagone près de Washington, et un quatrième avion s’écrasa près de Shanksville, en Pennsylvanie. Ce drame causa près de 3 000 morts et plus de 6 000 blessés. Vingt-trois ans après ces événements tragiques, il est pertinent de s’interroger sur la place des victimes d’attentats dans le cadre juridique français, notamment en ce qui concerne leur indemnisation.

Un arrêt notable de la Cour de cassation, rendu le 27 octobre 2022[1], offre un éclairage précieux sur la manière dont le droit français appréhende l’indemnisation des victimes d’actes terroristes, en particulier sur trois aspects majeurs : l’incidence professionnelle, les pertes de gains professionnels futurs, et le préjudice d’angoisse de mort imminente.

La Cour de cassation, dans la continuité de sa jurisprudence, réaffirme que la dévalorisation sociale ressentie par une victime en raison de son exclusion définitive du monde du travail doit faire l’objet d’une réparation distincte. Ainsi, indépendamment des pertes de gains professionnels futurs et des déficits fonctionnels permanents, l’incidence professionnelle couvre la perte d’identité sociale liée à l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle et à la privation de la reconnaissance sociale qui en découle.

La question des pertes de gains professionnels futurs a également été abordée. Dans cette affaire, la victime, enlevée par des terroristes, était sans emploi au moment des faits, mais avait travaillé pendant de longues périodes avant cet événement. Le Fonds de garantie des victimes (FGTI) a tenté de réduire l’indemnisation en invoquant une « perte de chance » d’exercer une activité professionnelle. La Cour de cassation a rejeté cet argument, considérant que l’incapacité totale de travailler résultait directement de l’acte terroriste et de ses conséquences, justifiant ainsi une indemnisation complète des pertes de gains futurs.

Enfin, la Cour de cassation a précisé sa position quant à l’indemnisation du préjudice d’angoisse de mort imminente. Longtemps débattue, cette question a finalement trouvé une réponse claire. La Haute juridiction reconnaît désormais que ce préjudice peut faire l’objet d’une indemnisation autonome, notamment lorsque la victime décède en conscience des circonstances de sa mort imminente. En revanche, lorsque la victime survit, l’angoisse éprouvée doit être incluse dans les souffrances endurées, comme l’illustre le cas de la victime d’enlèvement soumise à des simulacres d’exécution.

Le Fonds de Garantie des Victimes (FGTI[2]) joue un rôle clé dans l’indemnisation des victimes d’attentats, quelle que soit leur nationalité. Il intervient non seulement pour indemniser les victimes blessées, mais aussi les ayants droit des victimes décédées. Ces derniers incluent les enfants, les parents, les grands-parents, les petits-enfants, ainsi que les frères et sœurs des victimes.

En ce sens, le FGTI a pour mission de garantir la réparation intégrale des dommages subis par les victimes d’atteintes à la personne. Ce fonds est alimenté principalement par des contributions issues des contrats d’assurance de biens, régies selon les modalités de l’article L.422-1 du Code pénal, et peut être subrogé dans les droits des victimes contre les responsables des dommages.

Le FGTI peut demander des informations nécessaires à toute administration ou organisme dans le cadre de l’indemnisation, sans que le secret professionnel ne puisse être invoqué. Il est également tenu de verser des provisions à la victime ou à ses ayants droit dans un délai d’un mois à compter de la demande (article L.422-2 du Code pénal). Les offres d’indemnisation doivent être formulées dans un délai de trois mois, sous peine de dommages et intérêts pour les victimes en cas de retard ou d’insuffisance manifeste.

En cas de litige, les victimes disposent d’un droit d’action en justice contre le fonds. Celui-ci peut aussi interjeter appel des décisions de la commission chargée de statuer sur les indemnisations (article L.422-5 du Code pénal).

Enfin, le FGTI est habilité à recouvrer les sommes dues par les responsables des dommages, ce qui peut inclure une pénalité de gestion (articles L.422-7 à L.422-10 du Code pénal).

La procédure d’indemnisation est généralement enclenchée directement par le Procureur de la République, qui est chargé de notifier le FGTI dès lors qu’un attentat survient.

Le Procureur informe le Fonds de l’identité des victimes concernées, permettant ainsi au Fonds de contacter directement les victimes blessées ou les ayants droit des victimes décédées. Cette démarche vise à simplifier et accélérer le processus d’indemnisation, garantissant une prise en charge rapide et adaptée aux besoins des victimes ou de leurs familles.


[1] Cass. 2e Civ., 27 octobre 2022, no 21-12.881

[2] Articles L.422-1, L.422-1-1, L.422-2, L.422-3, L.422-5, L.422-7 à L.422-10 du Code pénal

Retrouvez l’éditorial précédent à l’adresse suivante : https://www.cabinetpierrat.com/2024/09/01/editorial-septembre-2024-alain-delon-a-fait-la-loipar-emmanuel-pierrat/

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